Quand Dieu eut créé l'homme, au soir du sixième jour d'entre les jours, la Terre était dans un état quelque peu différent de ce qui nous est familier aujourd'hui. Sachant bien que c'était encore imparfait, Dieu jugea cependant le moment venu de prendre du recul, et de se mettre à l'écoute de sa création.

 

Le premier à venir lui parler fut le vent :

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! dit le vent. J'ai voulu jouer avec lui, le toucher, le caresser… Il m'a paru mal à l'aise. Tu sais, il s'est bâti une maison, et si je l'y rejoins, il frissonne. Quelque chose ne va pas, il n'est pas bien dans sa peau. Il n'est pas bon que l'homme soit seul.

 

 

 

Alors Dieu, prenant en compte l'avis du vent, créa… la souris, afin qu'elle rejoigne l'homme en sa maison.

 

Ce que fit la souris, qui se mit aussitôt à fureter partout, traversant parfois la pièce en courant. Elle grignota quelques grains, attrapa des insectes, observa l'homme, et bientôt s'adressa à Dieu : 

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! dit la souris. Manifestement, il attend quelqu'un. Il a construit une deuxième pièce à sa maison, où il ne va jamais. Il ne s'assied même pas pour manger. Il est préoccupé, et ne fait pas du tout attention à moi. Parole de souris, il faut faire quelque chose. Il n'est pas bon que l'homme soit seul.

 

 

 

Dieu réfléchit un court instant, et créa… la vache, qui créa… le lait, avec quoi l'homme inventa le fromage.

 

Le moral était bien meilleur, à présent que l'homme avait lui-même créé quelque chose ! Il logea la vache dans sa nouvelle pièce, inventant du coup l'étable — ce dont Dieu lui saurait gré un jour —, et grâce au fromage, prit davantage de plaisir aux repas. Il finit même par remarquer la souris et tenta de l'apprivoiser. Elle ne se laissa pas faire tout de suite, sachant combien souvent l'ennui nait de la facilité. Mais à la longue, elle se laissa approcher, et finit même par gouter au fameux fromage, qu'elle n'a, depuis, plus jamais cessé d'apprécier.

 

 

 

 

 

N'empêche qu'un jour, notre homme laissa souris, maison et vache, et s'en fut en campagne. Un oiseau qui le vit passer, le suivit un moment, puis monta d'un trait au paradis, parler à Dieu :

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! dit l’oiseau. Je l'ai vu marcher en trainant les pieds; il ne voit rien, ne chante pas… Il ramasse cailloux et morceaux de bois pour les tenir un moment dans sa main, puis les rejeter au loin. Franchement, tu ne peux pas le laisser dans cet état. Il n'est pas bon que l'homme soit seul.

 

Cette fois, dit Dieu, j'y vais moi-même.

 

 

 

Et Dieu parut sur terre… sous un nom d'emprunt. Et même plusieurs : Lilith, Ève, Myriam… Maya, Sandra, Laura… Leila, Judith, Zohra… Ingrid, Astrid, Aline, Alice… Claire, Sophie, Anne, Isabelle… Maud, Daphné, Esther, Sonia… Muriel, Chloé, Maureen… et combien d'autres, qui sont encore les siens aujourd'hui.

 

Voilà, c'était ce qu'il fallait : avoir les pieds sur terre. Alors Dieu à son tour, voyant sa créature vivre pour rien et pour personne, comprit que ça ne pouvait plus durer :

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! dit Dieu. Ce qu'il lui faut, ce sont des enfants à aimer. Et puisque je suis là, je m'en occupe toutes affaires cessantes, sans prendre même le temps de me changer. Il n'est pas bon que l'homme soit seul.

 

 

 

Et voilà comment — et pourquoi — l'homme rencontra Dieu, sous la forme que vous connaissez, l'aima, et se mit à chanter…

 

 

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul

 

Ô Dieu ! Venez ! Ça ne peut plus durer !